Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui au sein de Village BIM Rémi LANNOY, Responsable du département Construction Numérique & BIM du CERIB (Centre d'études et de recherches de l'industrie du béton).
- Rémi quel est votre parcours ?
Bonjour Stéphane et bonjour à la communauté Village BIM. Je suis diplômé Ingénieur en Génie Civil de Polytech Lille et j’ai suivi un mastère en Génie de l’Eau. J’ai ensuite occupé divers postes chez Egis au service études et travaux, puis à la direction technique internationale. J’ai complété ma formation et mon expérience par un Mastère BIM à l’ESTP et suis aujourd’hui Responsable du Pôle Construction Numérique et BIM au CERIB.
- Rémi, quelles sont les missions du CERIB ?
Les missions du CERIB, en tant que CTI (Centre Technique Industriel), couvrent divers champs :
- Agir pour l’ensemble des industriels du béton
- Être le garant de l’expertise technique et relai d’informations
- Accompagner & former
- Encourager l’innovation
- Evaluer, prévenir et modéliser
- Pourquoi avoir créé un département dédié au BIM au CERIB ?
Il y a ici deux objectifs, qui s’entre-alimentent, à savoir :
- Participer activement aux travaux nationaux et internationaux
- Décrire et tester les futures relations entre les industriels du béton et leurs écosystèmes (Entreprises et maîtrise d’œuvre principalement), au travers d’échanges numériques.
Il s’agit avant tout d’appréhender les enjeux du BIM pour la construction afin de redéfinir l’industrie du béton du futur. Par conséquent, les travaux de recherche et d’évangélisation de la filière sont absolument essentiels pour intégrer les défis de demain.
- Quelle est la place des industriels de la construction dans l’environnement du BIM ?
Pour moi elle devrait être centrale. Dès lors qu’on décrit un ouvrage par l’intermédiaire d’objets, on fait évoluer les process de construction en lien avec l’ingénierie des systèmes. Cette orientation est propre à un monde industriel. Le BIM favorise l’émergence d’une véritable Industrie de la construction.
Pourquoi mettre toujours en avant des pays comme la Norvège quand on parle du BIM ? C’est bien parce que ce pays a industrialisé sa filière depuis longtemps. Néanmoins, attention de ne pas transposer textuellement dans l’environnement français car le tissu économique de la construction est beaucoup plus fragmenté et n’a pas vocation à se transformer radicalement. Cela doit nous inspirer.
- Sur quels sujets travaille actuellement le CERIB ?
Principalement sur le BIM des objets : décrire un objet, pour un industriel du béton, c’est dans sa nature. Nous avons donc travaillé sur la description d’objets BIM propres à l’industrie du béton.
Au travers de ces bases de données, on explore l’évolution des process d’échanges d’information entre acteurs de la construction. Puis, notre rôle est de partager nos résultats et nos enseignements lors de comités animés par buildingSMART en France par exemple ou au sein de groupes qui échangent sur la normalisation.
- Quelles sont les raisons de la méconnaissance des bases de données objets / BIM ?
Le BIM dit « sémantique », celui qui permet de faire d’un objet 3D un container d’informations à échanger, émerge à peine. Dans la pratique, on utilise des bibliothèques d’objets pauvres en information, dans des formats bien souvent propriétaires.
Autre élément, l’ingénierie des systèmes ou l’industrialisation des process dont je parlais tout à l’heure n’est absolument pas une pratique répandue dans la construction française. Elle sous-entend une décomposition des besoins des donneurs d’ordres grâce à de l’ingénierie d’exigences. On en est pour l’instant loin.
Méconnaissance du BIM ? Je dirais plutôt une difficulté de projeter les avantages qu’il peut procurer. Pour mener la transition numérique dans le bâtiment et les infrastructures, on a besoin d’une vision de ce que pourrait être la construction dans 15-20 ans. Alors, on pourra construire le BIM en fonction de nos usages et du retour sur investissement qu’il génère.
A ces défis, s’ajoutent :
- Le cloisonnement de la filière
- La complexité réglementaire
- Les environnements technologiques anxiogènes
- Et la peur de l’industrialisation ;o)
- Comment les objets sémantiques vont faire évoluer les process de construction ?
Ils sont les seules entités à pouvoir contenir l’information à échanger entre les acteurs, dans les fameux « processus collaboratifs ».
Se mettre autour d’une maquette et voir ensemble les clashs géométriques ou faire remarquer à un tel qu’il a oublié un bout de tuyau est une chose.
Travailler dans des bases de données où la recherche de consensus pour la meilleure solution passe par des itérations propres à l’ingénierie concourante, ça c’est ce que j’appelle du BIM.
Un objet (représentant un ouvrage, un système ou un composant), porteur d’exigences, permet à celui qui y répond de proposer des solutions permettant de les remplir, ou à défaut, de « négocier » la meilleure solution qui s’y rapproche.
En outre, on entend beaucoup parler d’internet des objets, d’économie circulaire, d’empreinte carbone…, il faut bien comprendre que sans objet porteur de propriétés, on ne peut pas mettre en œuvre les processus, analyses, calculs qui s’y rapportent (RE2020, Eurocode, etc.).
- J’ai l’impression que le CERIB touche aussi à des sujets qui ne sont pas propres à l’industrie du béton ?
Et oui, les réflexions menées au CERIB sont complémentaires à celles qu’il y a dans d’autres industries de la construction, matériaux ou composants. Tout à l’heure je disais que le BIM devrait favoriser l’émergence d’une industrialisation de la construction, on est dans la même veine.
Quand on décrit un mur, que celui-ci soit en parpaing, en brique, en torchis, on a la même manière de le faire, on utilise les mêmes mots. La différence est portée par les solutions constructives propres au matériau, qui apportent une solution particulière à des exigences posées.
- Quels sont les challenges et les perspectives des travaux du CERIB, à moyen et long termes ?
On continue encore et toujours à développer nos bases de données de propriétés. On pourrait les apparenter à des dictionnaires mais ça n’est pas tout à fait pareil. On a besoin de mettre en place le processus décrit dans la norme PPBIM (qui vient de paraître à l’ISO). Aujourd’hui, on le fait avec des éditeurs de bibliothèques, mais le but est de conserver une certaine indépendance vis-à-vis d’eux.
En parallèle, on noue des partenariats avec des acteurs de la construction pour tester l’utilisation des bases au travers des process de construction. L’idée c’est de comprendre comment les objets BIM seront utilisés entre les acteurs, et comment les industriels du béton doivent se positionner dans la chaîne de valeur
On va également explorer le monde de la configuration. Toujours au travers des bases de données, comment l’industriel du béton peut répondre à des problématiques techniques en proposant des configurations d’objets et de systèmes. On est alors dans l’aspect comportemental des objets au travers de la compréhension des propriétés et des valeurs associées.
- Selon vous y a-t-il des raisons d’avoir peur d’une massification de l’utilisation d’objets numériques ?
Oui et non.
Les méthodologies de travail propres à l’utilisation des objets peuvent faire peur : ingénierie système, industrialisation… sont des concepts qui, étant totalement nouveaux pour la construction, font peur. Rappelons que la construction en France est portée par des PME TPE, qui n’ont pas forcément une capacité d’adaptation rapide dans un contexte où on leur en demande déjà beaucoup (règlementations, normes, …) , et dont les principaux enjeux sont avant tout liés aux carnets de commandes et aux résultats.
Par contre, ils sont une composante essentielle pour le développement d’usages nouveaux pour la construction : à impact carbone moindre, connecté, IA, économie circulaire…
- Comment peut-on avoir plus d’information, ou vous joindre ?
Vous trouverez de multiples informations ci-dessous :
Informations générales :
Bases de données béton préfa (en lien avec Revit) :
https://www.datbim.com/Fournisseur-FIB-17521.html
Et n’hésitez pas à me contacter via LinkedIn :
https://www.linkedin.com/in/remi-lannoy/
Merci Rémi d’avoir partagé toutes ces informations avec la communauté Village BIM.
Je vous remercie de cette invitation Stéphane, et je vous dis à très bientôt pour de futurs échanges.
Si vous souhaitez en savoir plus, j’en profite pour rappeler le lien vers le webinaire que nous avons réalisé conjointement Autodesk/CERIB en septembre dernier.
Revisionner le webinaire https://www.autodesk.fr/campaigns/collaboration-webinar-series